Présentation

VERNISSAGE LE 20 NOVEMBRE 2025 (18h)

 

La Galerie Prima réunit six artistes de la même génération : Bryce Delplanque, Morgane Ely, Gabrielle Kourdadzé, Louis Lanne, Mathilde Lestiboudois et Nils Vandevenne. Ils et elles partagent le même atelier à Poush, à Aubervilliers, un lieu de travail et de vie devenu le centre d’un dialogue continu entre leurs pratiques.
En juin dernier, un incendie a détruit cet atelier. Ce n’est pas cet événement qui a motivé l’invitation, mais il lui donne un relief particulier : à la fois dans le geste d’inviter le groupe et dans les œuvres elles-mêmes, où l’épreuve traverse parfois les matières, les motifs ou les teintes. 
L’exposition envisage surtout ce qui relie ces artistes : un même terrain d’influences et de correspondances plastiques. Dans l’atelier, chacun trouve dans le regard de l’autre un écho à sa recherche, un espace d’échange et de contagion esthétique.

 

L’exposition témoigne de cette circulation des formes et des idées.
Morgane Ely (née en 1995, diplômée des Beaux-Arts de Paris) présente une gravure d’après un ancien portrait de Dolly Parton, figure qu’elle rapproche du travail de Bryce Delplanque. Tous deux puisent dans la culture populaire américaine, dans ce qu’elle a de frontal et de kitsch. Morgane travaille le bois gravé en y introduisant le trompe-l’œil et le motif du faux bois. Elle parle d’« une idée de collaboration, de citation et de collage », où l’image naît non d’une fusion mais d’une juxtaposition, d’un dialogue entre références.

 

Gabrielle Kourdadzé (née en 1995, diplômée de l’ENSAD) travaille une planche de bois découpée « selon certains contours de l’image » qu’elle représente, créant « une surface hybride, presque sculpturale ». Elle y peint, à l’encre puis à l’huile, des fragments d’images prises à l’atelier, dont les chiens Zigzag et Cooper deviennent les figures familières. Elle évoque « la manière dont notre regard construit le monde qui nous entoure, à travers des lignes enchevêtrées, des superpositions et des vides », et parle d’une « référence symbolique à l’incendie de l’atelier » à travers un lavis jaune brûlé.

 

Chez Louis Lanne (né en 1995, diplômé des Beaux-Arts de Paris), la peinture se resserre au format de l’objet. Il présente une série de petits tableaux inspirés des bouquets de Fantin-Latour, déjà abordés par Bryce. « J’ai repris ces bouquets pour en faire une base de dessin, que j’ai ensuite retravaillée en peinture », écrit-il. Sur des panneaux de bois encadrés de formica noir brillant (clin d’œil au matériau employé par Nils), il compose des images où la délicatesse des fleurs rencontre la matérialité du support.

 

Mathilde Lestiboudois (née en 1992, diplômée des Beaux-Arts de Paris) s’inscrit dans ce réseau de correspondances en reprenant « la trame verticale en noir et blanc présente dans le travail de Morgane » pour y inscrire ses propres motifs : drapé et colonne. « Ces formes, posées dans un espace silencieux, prolongent ma réflexion sur la présence et l’absence. » Le mélange du noir et blanc et de la couleur fait apparaître plusieurs temporalités, comme des strates de représentation.

 

L’œuvre de Bryce Delplanque (né en 1993, diplômé de la Villa Arson) reprend une page brûlée du livre Learning from Las Vegas, vestige de l’incendie. « Les pages étaient brûlées, mais l’image restait visible — des statues antiques devant le Caesar’s Palace, colonnes blanches sous les néons. » Ce motif devient le point de départ d’une peinture où s’entrelacent les ruines réelles et imaginaires, celles de Rome, de Las Vegas et de l’atelier lui-même. En écho aux architectures de Mathilde Lestiboudois, Bryce reprend la colonne antique comme figure de survivance et d’illusion, traversant les époques jusqu’à devenir décor de casino. « Ce n’est pas une restauration, c’est un relevé de la perte », écrit-il. Entre histoire et simulacre, sa peinture cherche ce qui persiste « comme une image qui traverse le feu et continue de nous regarder ».

 

Nils Vandevenne (né en 1995, diplômé de la Villa Arson et des Beaux-Arts de Paris) clôt le cercle par un geste de réappropriation assumé : « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours volé aux autres des éléments de leurs pratiques. » Il revendique ce « vol » comme une méthode, un espace d’échange et d’hybridation. « J’ai donc volé la technique sur papier de Gabrielle, l’atmosphère colorée de Bryce, les formes de Louis », écrit-il, dessinant ainsi une image juste du groupe : un ensemble perméable, où chacun s’enrichit du regard de l’autre.

 

Cette exposition rassemble les traces d’un atelier disparu et les formes qui en ont survécu. Elle montre comment, dans un espace partagé, les influences deviennent matière, et comment la perte, loin de clore une histoire, en ouvre une autre.